D’Adeline Dieudonné à Amélie Nothomb, en passant par Hergé et Simenon, la Belgique ne manque pas d’imagination au rayon librairie. Mais derrière ces monuments annexés de gré ou de force à la littérature française, se cachent quelques auteurs doués et discrets que les Belges lisent en cachette de leurs voisins d’outre-rhin. Exit les frites, les schtroumpfs et le chocolat, on découvre enfin le Plat Pays avec trois romans d’atmosphère aux écritures sensuelles et aux héroïnes magnétiques qui nous parlent de fantômes et de ciels gris.
L’été malgré tout
Autour de la narratrice de 11 ans, les mots des adultes bourdonnent à peine. C’est l’été mais dans la maison plane la mort prochaine du grand-père allongé à l’étage sur son lit. Rien ne peut empêcher la fillette d’enfiler son maillot de bain rouge, de se baigner dans l’étang au milieu des carpes, de ramasser des groseilles à maquereaux ou d’aider sa grand-mère à faire des confitures. Pas la peine d’inviter des cousins « stupides » pour jouer avec elle, la petite fille a suffisamment de rêves et d’activités pour s’occuper dans ce grand jardin où sa mère semble l’avoir oubliée depuis quelques années déjà. Ce premier roman d’une auteure belge nous envoûte par sa sensualité qui nous renvoie avec force à l’éternité de nos étés d’enfant.
DEBOUT DANS L’EAU, ZOÉ DELEYRN, 140 P., ÉD. DU ROUERGUE.
Saveur douce-amère
Dernière révélation de la littérature belge, Catherine Barreau est l’auteure de La Confiture de morts, un roman au titre inquiétant couronné par le prix Rossel 2020, qui l’a heureusement sauvé de l’oubli dont le menaçait cette inexorable pandémie. Produite à partir de fruits récoltés dans un cimetière, la confiture de morts est à l’image même de ce roman qui se distingue par sa sensualité, sa noirceur, sa poésie et son anticonformisme. Son héroïne, Véra, a grandi tant bien que mal entre une maison mal chauffée du vieux Namur, un hameau perdu à la frontière de la Gaume et de l’Ardenne, un père souvent absent, des livres captivants et un passé envahissant. Confrontée à l’impitoyable réalité, elle va devoir se révéler.
LA CONFITURE DE MORTS, CATHERINE BARREAU, 330 P., ÉD. WEYRICH.
Sortie du néant
« Qui se souviendrait d’Olga ? » se demande Hanne en tombant par hasard sur l’avis de disparition montrant le visage de cette inconnue croisée à plusieurs reprises. Dans un défi à l’oubli et à l’insignifiance, la narratrice imagine l’existence d’Olga. Au cours d’une enfance à manger des pommes de terre entre une mère et une grand-mère muettes, la petite fille survit grâce aux pages colorées des magazines, à la bienveillance zélée de l’instituteur du village et à la présence d’un jeune homme énigmatique nommée Emilio. Envoyée dans un pensionnat plus sinistre encore que la ferme familiale, Olga doit faire face à ses démons et à leurs incessantes transformations. C’est sans doute à ce prix qu’elle se libérera de l’affreuse malédiction qui anéantit les femmes de sa lignée. Un premier roman d’une auteure belge écrit dans une langue émouvante et imagée.
OLGA, OU LA FRAGILITÉ DE L’INSOUCIANCE, CATHERINE MEEÙS, 107 P., ÉD. ACADEMIA.
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